Ramer et courir

J’aime bien ramer, j’aime bien courir, rien de nouveau là-dedans. La Red Bull XRow c’est l’occasion de faire les deux disciplines sur la même course. 10km à ramer (en 8+), 3.5km à courir avec le bateau, on enchaîne avec à nouveau 6km de rame puis 2.5km à nouveau sur terre avant de terminer par 4km d’aviron et de finalement accoster pour franchir la ligne d’arrivée en portant le bateau. Au total, 20km de rame et 6km en courant. Je ne connais pas d’autre course d’aviron où on commence mais on ne finit pas sur le même lac.

Une vidéo récapitulative de cette édition 2018 se trouve en fin d’article !

Cette course a lieu tous les deux ans. On l’avait gagnée en 2016 avec notre 8+ des swiss « Rio Rowers ». Cette année, les deux rameurs du 2- tchèque nous font l’honneur de rejoindre nos rangs. Excellents rameurs, c’est leur première Red Bull XRow et ils sont curieux de voir à quoi cette course ressemble. Sinon dans notre 8+, il n’y a que des rameurs de l’équipe suisse, poids lourds et poids légers mélangés. Nos principaux concurrents seront vraisemblablement la team « Moto Guzzi », composée de rameurs internationaux italiens et hollandais. On part évidemment avec l’intention de gagner mais cette année encore plus puisque Mario Gyr a annoncé sa fin de carrière et cette course sera sa dernière.

De gauche à droite : Augustin, Fiorin, Lukas, Jakup, Mario, Barnabé, Andri et Julian. Avec Patricia à la barre.

L’alignement au départ est un peu chaotique. Ça fait partie du truc. Aligner autant de 8+ en même temps c’est jamais gagné d’avance. Les Moto Guzzi partent un peu avant le « go » du coup vu qu’ils partent nous aussi. Tout le monde part un peu à l’arrache mais nous on est resté ensemble sur les premiers coups. On est un peu devant nos concurrents mais ils reviennent à notre hauteur. Pendant 5km, on est au bord à bord, nos adversaires légèrement devant. Leur barreuse prend une trajectoire douteuse. Notre trajectoire est bonne, on ne se décale pas. Nos rames viennent cogner les leurs. Encore. L’un des Moto Guzzi fait un kreps. Il réagit bien et limite la perte de temps mais on leur a quand même pris une demi-longueur. Ils nous crochent encore pendant quelques minutes puis on arrive enfin à les distancer.

Départ en masse !

C’est là qu’il ne faut pas se satisfaire d’être devant mais de vraiment creuser l’écart au maximum, car on ne sait jamais si la partie course à pied va bien se passer. Il faut leur laisser aucun espoir. On termine les 10km avec 16s d’avance. C’est bien mais c’est loin d’être gagné, la partie la plus dure c’est clairement la course à pied. Et 16 secondes c’est tout à fait rattrapable.

Après ces 10km, c’est la seule partie où on a quelques minutes de pause. Il faut attendre que le dernier 8+ passe la ligne des 10km pour que le premier 8+ puisse partir en courant. On en profite pour bien boire, et éventuellement manger un petit truc. Tous les autres segments de la course s’enchaîneront sans interruption, c’est le seul moment où on peut encore avoir un bref moment de calme. Il faut repartir. On part avec nos 16s d’avance sur nos concurrents pour ces 3.5km sur terre. Le bateau sur l’épaule, on y va. Dans l’excitation, on ne court pas de façon très synchro sur les premiers 100m. Très rapidement, ça se met en place. Quand ne pas être ensemble sur la foulée signifie se faire frapper brutalement par une centaine de kilos, on résout vite le problème. Ça monte.

J’ai l’impression qu’on avance vraiment lentement, les Moto Guzzi n’ont pas l’air loin. On arrive à la Hohle Gasse (ou chemin creux en français). Historiquement, c’est là que Guillaume Tell avait tendu une embuscade et tué Gessler avec son arbalète. Nous on n’a pas d’arbalète mais c’est bien là qu’on va tuer la course. On court droit en bas. Ça descend raide, les gros cailloux de ce chemin ne sont plus très solidaires, le bateau cogne parfois la rocaille à gauche à droite mais peu importe. Ça y va. Après cette descente, je suis soulagé d’avoir encore deux chevilles. On remarque que cette prise de risque paie, on a clairement mis de la distance. (On le remarque bien sur la vidéo résumé, le lien est en bas de l’article). Ça continue encore un bon moment puis enfin on arrive au ponton. L’idée c’est de perdre le moins de temps possible au ponton. On balance le bateau à l’eau. Même si tout le monde n’est pas bien installé, on ne veut jamais avoir le bateau à l’arrêt, même à moitié prêt il faut y aller. Pour ceux qui se demandent, on part à fond à gauche puisqu’on doit passer derrière la bouée en forme de pyramide qu’on voit au loin.

Le tronçon de rame de 6km se passe plutôt bien. Il y a un passage avec beaucoup de vague. On n’est pas en train de faire la plus belle ramerie mais on fait ce qu’il faut pour que ça avance. A ce point de la course, on est déjà vraiment claqué. Mais on est devant et on voit nos concurrents, on arrive encore à les distancer. Arrive la prochaine transition. Il faut à nouveau porter le bateau. On accoste, on sort vite du bateau, on balance nos rames, on enfile nos chaussures et c’est parti. Il ne reste « plus que » les 2.5 kms de course à pied. Mais ça monte et descend beaucoup, la plupart du temps sur du béton. Tout le monde est dans le dur.

Nos changements de côté (pour varier l’appui entre l’épaule gauche et la droite) sont de moins en moins propres, le bateau nous écrase. La descente avec le bateau me tend les ischios. La montée ça va mieux pour les ischios mais physiquement tout le monde est KO. Tant bien que mal on avance quand même. On arrive à la dernière descente goudronnée. Je sens mes ischios se tétaniser. Je suis clairement dans le mal. Il ne doit rester qu’une centaine de mètres mais j’arrive pas à avancer. J’espère que mon voisin va porter plus mais il est dans la même galère. Il n’y a pas de solution. Après douleurs, gémissements et persévérance on y arrive. Derniers 4km à ramer.

On rame super court sur les derniers 4km. Apparemment tout le monde a les ischios tétanisés. Dans cette situation, utiliser toute la longueur des jambes donne l’impression de se les déchirer. Du coup on rame à mi-coulisse. C’est pas idéal mais on le fait ensemble et ça avance quand même. A moins d’un gros pépin, on va s’imposer. On commence à reconnaître la ville de Lucerne. On passe le casino. On voit le premier pont pour la circulation suivi du fameux pont de bois. Ça y est on arrive. Il ne nous reste plus qu’à soulever le bateau une dernière fois pour franchir la ligne d’arrivée. Même si ce n’est que pour quelques mètres, on porte le bateau avec beaucoup de peine. Après plus d’1h45 d’effort intense, cette fois c’est vraiment fini !

Jakub et Lukas sont d’accord pour dire que c’était la course la plus dure qu’ils connaissent. C’est typiquement le genre de course où en passant la ligne d’arrivée tu te dis que c’était sympa mais que tu la referas pas. Et au final, tu en gardes un bon souvenir et tu vas t’inscrire à nouveau à la prochaine occasion… 

Categories: AvironCourse à pied